Menu

La réalisation technique en 2006

L’aventure technique de la tour

 

La conception du projet de la Tour de Babel

Dans l’année 2001, j’avais esquissé dans un tronc, une Tour de Babel, en m’aidant d’un dessin aux crayons gras sur le bois, pour les ouvertures.

Je n’ai pu la terminer, prenant conscience de l’incongruité d’une Tour de 1,10m, où l’on pose gentiment la main dessus… je l’ai mise dans un coin après l’avoir exposé une fois, à la demande expresse d’un exposant…

Et puis, l’image de la Tour de Babel m’est revenue, après l’acquisition d’un certain savoir-faire avec le métal, en redécouvrant mes lointaines motivations pour l’architecture.

Je me suis mis à dessiner, dessiner, à calculer, calculer, à faire des maquettes (4 ou 5) en carton, en métal, décidé à créer une œuvre qui ait de la gueule, tout en assurant la fiabilité, la circulation intérieure, et la possibilité de transport, grâce à un démontage aisé en 5 morceaux (4 quartiers et un haut) !

Il m’a fallu faire les choix de matériaux, en m’informant précisément, et m’assurer d’une voix critique connaissant bien le métal et la soudure, pour la conception et les choix de matériau. J’avais choisi comme interlocuteur un homme que je connaissais, Yannick Bidi avec qui nous avons pu affiner certains points mais surtout qui a pu me rassurer sur la fiabilité de la conception.

La mise au point du projet s’est étalée sur les trois premiers mois de 2006, s’achevant par une maquette en carton munie de toutes les mesures et des codes de repérage pour chaque pièce.

Nous avons fait un petit contrat avec un centre de formation à la soudure pour adultes (centre de formation de la Chaumette à Joué les Tours, qui n'existe plus).

En échange de l’opportunité de travailler sur du concret, l’atelier, dirigé par le même homme, m’a aidé à réaliser l’armature centrale, ce qui nécessitait des moyens de soudure en site protégé, et des machines précises de coupe, de perçage et de cintrage.

Je crois que tous les participants ont pu jouer gagnant dans cette première phase dont je garde de très bons souvenirs, malgré la dimension du projet.

 

Les étapes de la réalisation

Difficile de rentrer ici dans les détails de la réalisation, nous nous contenterons de donner une idée valable des étapes de la réalisation, et ainsi partager un peu cette aventure, avec ceux que ça intéresse.

 

L’armature centrale

 Pour rendre possible le déplacement de la Tour, il fallait concevoir des parties démontables. Notre choix a été celui de quatre quartiers partant du centre avec un angle de 90° vers l’extérieur sur une longueur de 249cm (au delà de 250cm c’est un transport exceptionnel). Les quatre cornières, véritable colonne vertébrale, sont reliées au centre jusqu’à 6,20m par des boulons.

Ce sont en hauteur quatre formes en équerre dont les cornières s’emboîtent formant ainsi l'infrastructure de l'ensemble et créant un espace circulaire de 5m, diamètre final de la Tour au sol.

Cette ossature centrale boulonnée reçoit l’ensemble des autres pièces, en renvoyant les poids extérieur vers le centre.

Les autres morceaux préparés à l’atelier ont été de deux sortes.

La forme en spirale qui trace un chemin extérieur continu jusqu’en haut rend l’exercice géométriquement complexe et requiert une bonne précision dans la préparation et la découpe.

Sur les quatre équerres, les profilés ainsi préparés ont pu être soudés jusqu’à la future hauteur de 6,20m.

Les jeunes adultes en formation ont dans l’ensemble été confrontés avec beaucoup d’intérêt à ce travail. Ils se souviendront en particulier de la gymnastique « géométrie dans l’espace » et de l’intérêt des repérages.

Pour vérifier, un premier assemblage provisoire (sans moyen de portage) a été réalisé avec difficulté dans la cour de l’atelier (voir photos ci avant).

Les sourires de la fin parlaient d’eux même, de la satisfaction de l’œuvre et de l’intensité des opérations d’assemblage, à l’aide de force et d’astuces d’organisation.

Avant de passer à l’étape suivante je voudrais parler d’un geste technique du responsable de l’atelier, Yannick Bidi, qui m’a bluffé, au cours de la réalisation.

Dans la réalisation de quatre grandes équerres (620cm x 250cm) à partir de cornières épaisses (en forme d’équerre), il était strictement nécessaire d’avoir des angles à 90° ; sinon pour joindre les quatre équerres à 6,20m de haut (en étant bien appuyé au sol) eut été impossible. La soudure se faisait à partir d’un grand dessin au sol et immanquablement, la déformation thermique rétrécissait l’angle. Et là ! sur la soudure encore chaude, quelques grands coups de marteau du chef d’atelier ramenèrent pile à 90° ! une forme de magie !

 

Le montage dans l’atelier du sculpteur

Les quatre équerres, chargées et déchargées avec l’aide d’un camion muni d’une petite grue, ont rejoint le cinquième morceau fait à l’atelier (le chapeau de la Tour en quelque sorte).

Sur le terrain préparé, une plaque d’acier épaisse servant d’appui à l’axe, les équerres ont été accolées et boulonnées dans leur partie basse dans l’ordre de progression du chemin extérieur en spirale. Les arcs de cercle ont alors été soudés pour donner une forme circulaire et une solidarité efficace.

A partir de ce moment, l’enchaînement de soudures d’arcs de cercle a pu commencer, d’une «échelle » à l’autre. La dimension diminuait à chaque tour (passage des quatre équerres).

En réalisant le travail étape par étape, au moyen de grandes échelles et d’un échafaudage, les deux soudeurs ont fait naître la spirale.

Le boulonnage de l’axe central est devenu problématique en haut, malgré toutes nos précautions. Des déformations thermiques venues de la soudure des profilés et de la difficulté à faciliter l’emboîtement (faute de point d’appui valable à partir de 4,5m) avaient complexifié les choses.

La réalisation d’une plateforme provisoire à 5m a permis au sculpteur de réaliser cette jonction, donnant la possibilité de souder la plateforme en métal à une hauteur de 6,20m, pour accueillir le cinquième morceau, celui du sommet.

 

L’aventure du chapeau

Il nous a fallu du temps, de la sueur et quelques inquiétudes pour y parvenir. Nous étions seulement quatre en haut dans une position inconfortable pour le chapeautage.

Avec l’aide de quelques autres, en bas et à mi-hauteur, nous avons hissé la pièce par l’extérieur, espérant pouvoir la basculer sur la plate forme de 6,20m.

Le poids de la pièce et son ballant, difficile à contrôler, nous a fait arrêter après une heure d’essai, en partant d’idées et de positions diverses.

La décision a été de couper le chapeau en deux morceaux et de les mettre en place en deux temps. Ouf !

J’ai le souvenir d’intenses et brefs échanges d’impressions et d’idées, avec mes trois jeunes compagnons du haut, et aussi celui des regards chargés de consensus, pour les décisions clés.

Le haut pointait à 9,30m et le tout avait la gueule que j’attendais, même avant les tôles d’habillage.

 

 Les escaliers intérieur et l’habillage en tôle.

Je m’étais engagé avec un collège ZEP, voisin de mon atelier, à mettre la Tour de Babel à la disposition de deux classes de 4°, qui écrivaient et préparaient une pièce de théâtre (nommée « Chœur de Babel » !), pour la fin d’année.

Le jeune femme, professeur de français de ces deux classes, avait un punch, une ouverture, une détermination remarquables. Je l’avais rencontrée lors d’un échange avec le public, proposé au cours d’une expo dans toute la ville de Saint Pierre des Corps (plein air et tous les lieux ouverts au public, y compris la piscine et les maisons des jeunes).

Venue pour voir l’homme après les œuvres, mes paroles accessibles et mon habitude du contact l’ont probablement incitée à proposer de joindre nos projets « Babel », cherchant même ensemble, mais en vain, un élargissement du projet avec le conseil général.

Restés dans la dimension de la ville de St Pierre des Corps, très ouverte à ce type d’initiative, nous avons programmé à l’atelier des séances de répétition à partir du 15 juin et deux représentations ouvertes à tout public, fin juin.

Pris par le temps, j’ai privilégié l’habillage de la partie vers le public et réalisé au plus vite les escaliers intérieurs, permettant l’accès aux trois plateformes.

Deux d’entre elles permettaient d’apparaître aux portes -fenêtres de la tour pour jouer ! L’une mettait les têtes à environ 4,5m du sol et l’autre à 8,5m. Je parlerais de la fête « Chœur de Babel » plus loin.

Pour les escaliers intérieurs, l’impératif était double : un accès assez aisé et sécurisé, malgré les marches de 18cm à 32cm de haut selon l’espace disponible, et une répartition indépendante par quartier pour la possibilité de démontage de la Tour.

Pour l’escalier à réaliser dans l’espace rétréci du haut, j’ai fait une dizaine de dessins « à l’échelle » avant de m’arrêter à la solution d’un escalier en deux morceaux, pour garder une hauteur suffisante, au bénéfice de la tête des utilisateurs.

L’arrivée en haut se fait par un « quartier » mobile de la plateforme supérieure.

Les tests en grandeur nature ont confirmé la validité d’usage de ces escaliers et plateformes.

 

 Le chemin hélicoïdal

Le chemin hélicoïdal, d’une largeur allant de 30cm à 15cm (en haut), permet de monter en continu, presque jusqu’au sommet de la Tour. Ce petit chemin de largeur variable est en fait une surface comprise entre deux arrondis ! C’est le seul point du projet initial qui était resté indéterminé : aucune solution satisfaisante ne s’était imposée alors pour la matière du chemin.

Un jour, face à la matière « in situ », cherchant une solution qui économiserait le temps de découpe, une idée m’est venue dont je n’ai pas perçu tout l’intérêt dans l’instant.

En mettant côte à côte, sur le chemin, des rectangles de bonne longueur, la soudure était possible et un petit triangle de vide restait entre ces « tuiles ». Ca ne gênait ni la marche ni la solidité et, surprise, à l’intérieur, la perception de tous ces petits triangles avec ou sans soleil, donnait une présence forte et originale à l’ensemble. Une belle chance que les photographes adorent.La Tour de Babel a une grande variation de sa lumière et de ses reliefs, en relation avec la météo, j’en suis toujours étonné !

 

L’habillage en tôle

Comme dans les Zyggourats (la Tour de Babel en est un dans sa forme), le chemin hélicoïdal m’a servi d’échafaudage pour l’habillage progressif de la Tour. Dans les zyggourats, pleins au centre, les chemins permettaient l’accès des matériaux et des hommes, pour continuer à monter l’œuvre et à habiter en proximité du chemin, donc à la partie extérieure de la Tour.

Je soudais les tuiles d’un ou deux tours du chemin hélicoïdal et je disposais ainsi d’un échafaudage matériel pour me poser, poser les outils, réaliser les opérations de mesure, de lissage, de mise en place et de soudure des tôles.

Pour placer les grandes tôles des deux premiers niveaux il fallait être trois, deux pour mettre en place et tenir à l’extérieur et un soudeur à l’intérieur !

Aux deux niveaux suivants, deux personnes suffisaient, et après, j’ai pu le faire seul, avec des pinces de serrage. Le poids et la surface des tôles permettait une montée à l’échelle, jusqu’au chemin adéquat.Pour la découpe des tôles avant pose, je prenais soin, le plus possible, de choisir les tôles et les lignes de découpe pour obtenir des motifs de rouille avec juxtapositions intéressantes.

 

La découpe des portes le long du chemin hélicoïdal 

Dans les zyggourats, c’était l’entrée des lieux d’habitation et la Tour de Babel porte définitivement cette image.

Pour les découper, j’ai opté pour des dessins à la craie, à main levée, en cherchant des formes semblables mas irrégulières, et en réalisant, des découpes à la petite disqueuse, connue pour avoir du mal à prendre les virages.

C'était la dernière ligne droite de la réalisation !